mercredi 6 avril 2011

Libéralisme


L'humanité a d'abord été menée uniquement par la force. Les chefs de bande se sont fait seigneurs féodaux et monarques, prélevant sur les populations soumises de quoi entretenir de très confortables niveaux de vie pour eux, leurs proches et leurs domestiques. Il en subsiste quelque-uns, notamment dans les royaumes d'Arabie. 
D'autres, ailleurs, plus tard, se sont fait empereurs, caudillos, guides, juntes, … Leur principale revendication était, et est toujours, qu'on leur laisse la liberté de faire, avec milices, polices et armées, ce qu'il veulent chez eux pour préserver leurs prébendes... En fait, ce sont de vrais libéraux...
Les choses ont évolué à partir des années 20, jusque vers les années 70, où, à l'issue de luttes sociales larges et continues, quelquefois saignantes, dans ce qu'on a appelé le capitalisme «fordiste», la richesse produite était en partie redistribuée, parallèlement à l'approfondissement des mécanismes démocratiques garantissant alors des redistributions.
Avec la mondialisation financière, dès les années 80, les "libéraux" renouent avec ceux de mon premier paragraphe: laissez-moi faire ce que je veux, profiter de mes positions dominantes pour accroître encore ces dominations, mettre les gouvernements à ma botte soit directement en les faisant élire, soit en établissant des rapports de force, soit en les achetant... Spéculations effrénées, paradis fiscaux, combines financières tordues, fiscalités à leur entier avantage, au détriment de l'économie réelle, causant d'immenses dégâts sociaux, corruption directe ou indirecte (alors baptisée lobbying), s'annexant les médias, et mettant à bas la démocratie…
Mais surtout, refusant, comme les premiers, toute régulation et toute contrainte à leur droit du plus fort, usant de presque tous les moyens, légaux et illégaux pour ce faire.
Certes, de temps à autre, un malade sexo-maniaque, comme en Italie, où, chez nous, atteint d'une autre pathologie, en font trop et, malgré l'immensité des moyens mis à leur disposition, atteignent des records d'impopularité.
Lénine, si ma mémoire est bonne, disait qu'en dernier ressort, l'état se réduisait au policier (aujourd'hui, on parlerait du tank). L'état domestiqué par la finance a trouvé un intermédiaire moins voyant: mobiliser les mécontentements sur des boucs émissaires, variables selon les époques et les lieux.
C'est là l'abject brouet que nous servent les sarkozystes actuellement, pour réparer les échecs et les fautes présidentielles, mieux servir leurs patrons et essayer de respecter les apparences démocratiques. Car, comme je le disais hier sur FaceBook: "Dans notre pays, le nombre de cons pose davantage de problèmes que celui des musulmans".
Crise financière et économique, crise géo-politique, crise climatique, crise énergétique, crise démocratique... Cinq des crises des plus visibles ces derniers temps, sans parler de celles qui sont plus discrètes mais non moins puissantes. Elles annoncent des bouleversements incertains, imprévisibles, dont l'issue, hélas, ne sera pas forcément favorable sans mobilisations populaires et citoyennes.

19 commentaires:

  1. 1."L'humanité a d'abord été menée par la force."

    Cette première phrase serait plus à mon goût, et plus réaliste, si le mot D'abord était remplacé par le mot Toujours. La force change toujours de forme pour survivre. Elle survit et régne toujours.

    2."Les crises annoncent des bouleversements incertains, imprévisibles, dont l'issue, hélas, ne sera pas forcément favorable sans mobilisations populaires et citoyennes."

    La dernière phrase reprend la litanie des espérances de sorties de crise "révolutionnaires" qui font sourire. Ces espoirs ne sont pas partagés par une large majorité qui préfère l'injustice à l'aventure ...
    -Mobilisations populaires : ça ne marche pas !
    -Citoyennes : qu'est ce que c'est qu'être "citoyen" dans des pays comme les nôtres, encore riches, où chacun est d'abord un individu libre, avant d'être un pion de la collectivité ! Cela demande une redéfinition et tout le monde en a peur.

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  2. AU XIXème siècle, les anarchistes et autres libertaires réclamaient moins d'Etat. Aujourd'hui, les mêmes en réclament plus, le mot "libéral" étant passé à droite. C'est d'ailleurs étonnant qu'on croie toujours à gauche que les grandes entreprises sont ultralibérales alors qu'elles cherchent avant tout à asseoir des situations de monopole, à grands renforts de lobbies permettant de bricoler des législations en leur faveur.

    Entendu hier à la radio : "le nucléaire géré par le privé, c'est l'accident garanti." Tchernobyl en a d'ailleurs apporté la preuve éclatante, si j'ose employer ce mot.

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  3. A JC: J'ai, depuis longtemps, cessé d'être "révolutionnaire" pour devenir démocrate. En partie d'accord avec votre point "1".
    A Bertrand: A ma connaissance, les anars réclament toujours la disparition de l'état, c'est ce qui nous différencie.

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  4. @Bertrand,

    c'est toute la différence entre une condition suffisante et une condition nécessaire. Le nucléaire géré par un état communiste, c'est aussi l'accident garanti. Il n'y aucune contradiction.

    Comment un PDG dont la rémunération est alignée sur le cours de bourse de sa société peut-il gérer des centrales nucléaires qui ont un cycle de vie d'au minimum cent ans ???

    Sacré Bertrand !

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  5. C'est tout de même pas banal de rencontrer parfois des braves gens qui croient qu'on est PDG pour le pognon, avec aucun sens des responsabilités !
    (Caricature, quand tu nous tiens ...!)

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  6. C'est vrai c'est pas banal, la plupart des braves gens ont tendance à être aliéné par la pensée unique.

    il y a pourtant pas mal de littérature sur le conflit entre l'intérêt court terme d'un PDG avide de pognon attribué par un CA représentant les actionnaires et l'intérêt long terme de la société qu'il dirige. Un des premiers à avoir critiqué l'alignement de la rémunération des PDG sur le cours de bourse c'est Warren Buffet. Pas banal...
    Sacré JC !
    (Troll,quand tu nous tiens...!)

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  7. Il est excellent de mesurer la réussite du dirigeant de l'entreprise : un des bons moyens est d'utiliser le cours de l'action dont on peut penser qu'il est la plupart du temps un bon indicateur de la santé de la boite !

    Bien sûr que les exemples contraires ne manquent pas ... Vous croyez que la vie est simple, vous, et que les dirigeants d'Etat en régime collectiviste socialiste sont meilleurs ?

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  8. Sans vouloir prendre la défense du Biscarra, qui n'en a pas besoin, serait-il envisageable, chaque fois qu'on critique les excès d'un système qui nous a conduit à cette situation, avec ses avantages et ses inconvénients, de ne pas se faire renvoyer les excès, tout aussi excessifs, de la bureaucratie de type soviétique ?

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  9. Le brave JC a l'air un peu désoeuvré...On l'a déjà vu en meilleure forme.

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  10. Ben, si vous étiez raisonnable, vous étudieriez les alternatives avant de critiquer le libéralisme en cours !

    Critiquer sans solutions, c'est facile ...

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  11. "Il est excellent de mesurer la réussite du dirigeant de l'entreprise : un des bons moyens est d'utiliser le cours de l'action (...)"

    Les contre-exemples sont tellement nombreux que mieux vaut se garder d'en faire une règle, même élastique. J'en prendrai qu'un seul : IBM dans les années 80, alors que l'action ne faisait que monter et que la boîte s'attachait consciencieusement à rater tous les virages importants de son marché. Le problème, c'est que ça s'est vu des années après, alors que les dirigeants stupides - pardon, issus de la finance - avaient pris leur retraite, avec gros chèques à la clef. On pourrait aussi parler d'Elf et de pas mal d'autres.

    Le cours de l'action n'indique absolument pas les perspectives à moyen et long terme, et c'est là tout le problème lorsque les entreprises sont dirigées par des financiers.

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  12. Sans aller chercher des alternatives, supprimer les paradis fiscaux et les stock-options, interdire les ventes à découvert et autres joyeusetés spéculatrices, ne vous sembleraient pas de bonnes mesures ?

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  13. Supprimer les paradis fiscaux ? On leur envoie l'OTAN ? On annexe le Luxembourg ?

    Les stock-options sont pour les start-up un moyen pratique de fidéliser leurs développeurs. Les supprimer complètement, ce serait un peu radical. Faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

    Une simple taxe Tobin serait un bon début pour calmer les hedge funds et autres fous furieux. Cesser de raisonner en millisecondes leur ferait d'ailleurs le plus grand bien.

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  14. Les financiers d'autrefois achetaient des mines en Afrique ou Indochine . Ils faisaient « marner »l’indigène et fructifier la finance hexagonale. Ceux d'aujourd'hui ont compris qu'il valait mieux régner à Matignon qu’au Mali et, que de fabriquer un député coûtait moins cher que de dédommager un Président Africain dont la fortune , via rétrocommission, alimente le pays des fromages à trous !
    Je vous le demande solennellement : que devient dans tout cela la notion du Bien Public ?
    C’est la décadence !Pour supprimer définitivement toutes ces « margoullineries » bonapartiste une seule solution : l’abolition du salariat !
    Prolétaires de tous les pays caressez vous. Vive les paradis pas fiscaux !

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  15. Pour les stocks options, je proposais, il y a quelques temps de les réserver aux 3 ou 4 premières années de vie d'une entreprise.

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  16. Quant au Luxembourg... Je me souviens d'amabilités que nous échangions en 2005 lors du référendum constitutionnel...

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  17. Bertrand,
    Votre exemple de mauvaise gestion, IBM, bien connu, ne tient pas la route ! Qui veut tuer son chien ...

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  18. Le libéralisme en économie c'est bien le système qui postule qu'il y a une concurrence "pure et parfaite" ?
    Le libéralisme trouve son fondement dans la disparition des profits par le bon fonctionnement de l'échange !!! C'est quand et seulement quand il n'y a pas de surprofits que le système fonctionne.
    Le reste constitue des profits indus, des profits de rentes monopolistiques...
    Cela doit être combattu par le démantèlement de telles société (lois anti-trust américaines Standard Oil ou AT&T) ou la prise de contrôle par la puissance publique.
    Combien de vrais libéraux en France ?
    Combien d'apôtres de Jean-Marc Sylvestre ?
    A+
    FX

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  19. @JC
    Argumentez, ça vous changera.

    J'ai bossé autrefois pour IBM, mon père y a passé 30 ans, et ma femme y est depuis 15 ans, autant dire que je connais un peu la boîte. Suivez le cours de l'action de 1980 à 1990 : ça ne fait que monter, un vrai enchantement. Et pourtant, tous les ingénieurs tiraient la sonnette d'alarme sur les changements majeurs qui s'opéraient dans le paysage informatique. Peine perdue : la direction exécutive était infestée de financiers, les chairmen Opel puis Akers en tête (tiens, d'ailleurs John Akers était dans le board de Lehman Bros en 2008, lisez sa fiche Wikipedia, c'est édifiant http://en.wikipedia.org/wiki/John_Fellows_Akers ). Ces petits génies raisonnaient de la façon suivante : "on fait 90% de notre business sur les mainframes et on ne voit pas pourquoi ça changerait". Ah, les statistiques ! Dans le crâne d'un financier, l'horizon se limite a une feuille Excel.

    Le problème, c'est que l'inertie d'une entreprise de cette taille est telle que les mauvaises décisions n'affectent le cours de l'action que des années plus tard. L'étonnante réussite de Microsoft est proportionnelle à l'aveuglement des dirigeants d'IBM des années 80.

    Autrefois, IBM faisait les normes en informatique, et elle les faisait plutôt bien (pas comme Microsoft). Aujourd'hui, elle n'est plus qu'une holding financière, c'est-à-dire le rêve ultime de ces gens-là.

    Voir aussi Elf / Jaffré ou Alcatel / Tchuruk (partis avec des gros chèques eux aussi). Les exemple de ce côté-ci de l'Atlantique ne sont pas mal non plus. Quand un financier se mêle de stratégie technologique, c'est la chronique d'une catastrophe annoncée. Et le cours de l'action ne voit rien du tout. Forcément : ce sont d'autres financiers qui achètent.


    @FX
    Tout à fait d'accord. Le libéralisme suppose que les concurrents ont les mêmes godasses aux pieds, et que les meilleurs gagneront en tirant en plus les autres avec eux. Ça, c'est la théorie. En pratique, c'est jamais le cas, les meilleurs se font bouffer par les puissants.

    La prise de contrôle par la puissance publique, c'est transformer l'or en plomb. Le rôle de l'Etat n'est pas de gérer une entreprise commerciale. Quand il le fait, il le fait mal. Pour moi, le rôle de l'Etat est de maintenir un semblant d'ordre dans cette jungle, à coups de normes et de règlementation.

    @Jef
    Je persiste à penser qu'une toute petite loi anodine interdisant le cumul de la fonction d'administrateur avec celle de PDG changerait beaucoup de choses dans le paysage économique français. Voire l'interdiction de cumuler plus de deux postes d'administrateur. Evidemment, ça ferait hurler le Medef.

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