mardi 3 avril 2012

Abstentions

Plusieurs lectures, ces derniers jours, livres, journaux, périodiques, tournant autour de l'abstention.

Un livre d'abord, C. Braconnier & JY Dormagen, "La démocratie de l'abstention", Gallimard 2007, Folio, qui se penche sur l'abstention dans les quartiers populaires. Belle enquête sociologique, qui va, en bonne part, à l'inverse de ce qui se dit habituellement: une abstention qui croît à partir de la fin des années 70 et suit, la montée en puissance de la professionnalisation des politiques. On y trouve 10 à 20% de non-inscrits et une majorité d'abstentionnistes chez les "mal-inscrits", ceux qui ont déménagé et ne se sont pas ré-inscrits et des abstentionnistes "intermittents". Une élection-reine, la Présidentielle, des records de participation quand les affrontements politiques sont radicaux, et les élections-pauvres: Régionales, Cantonales et Européennes où les taux d'abstentions s'envolent. Voir aussi sur NouvelObs. La qualité du lien social est un des éléments importants des comportements électoraux.

Les thèses de Christophe Guilluy, "Fractures françaises", Ed. Françoise Bourin,  2011, qui explique que la classe moyenne s'est déchiquetée spatialement, distinguant les centres urbains métropolitains (ou du moins la plupart d'entre eux), avec d'un côté les centres et de l'autre les cités, d'une France des périphéries, "à la fois des espaces périurbains pavillonnaires, des zones rurales, des villages, des villes de mono-industries et même des centres urbains plus importants comme Perpignan. À l’écart du développement métropolitain, ces territoires représentent la France des fragilités sociales : celles des revenus, des statuts et du chômage. Regardez la carte des plans sociaux actuels : ce n’est pas celle des banlieues, pas celle non plus des grands centres urbains, mais bien celle de cette périphérie".

Ce qui mène l'Ipsos à distinguer les votes de "La France métropolitaine aisée (25% de la population)", "La France métropolitaine fragilisée (16%) : il s’agit de communes socialement fragiles, situées dans de grandes métropoles ou à proximité", "La France périphérique fragilisée (48%) : il s’agit de communes périurbaines ou rurales, ou de villes petites ou moyennes", "La France périphérique intégrée (11%) : il s’agit également de communes périurbaines ou rurales, ou de villes petites ou moyennes", tel Le Raincy dans le 93.

C'est dans cette France fragilisée, en partie désertées par les services publics et souffrant donc d'un handicap en lien social vertical,  que l'abstention varie le plus, montant fortement notamment lors des élections à faible attraction (Régionales, Cantonales et Européennes), ce qui peut amener à dire que, dans ce cas, la gauche obtient ses meilleurs résultats lorsque le taux d'abstention est maximum.

J'invite encore les abonnés de MediaPart à lire "Dans le quartier du Prepaou, à Istres, « la présidentielle, c'est du marketing »", qui s'ouvre par cette phrase d'un habitant: "PS, UMP, c'est tous les mêmes. Ça sert à rien de voter. Ils viennent nous voir uniquement lorsqu’ils ont besoin de nous au second tour, et après il n'y a plus personne". Qui rejoint ce que je pense depuis longtemps, à savoir que la professionnalisation des politiques, la transformation des grands partis en simples machines électorales et privilégiant les clientélismes d'élus locaux,  laissant aux médias la popularisation de leurs discours et propositions, privilégiant le cirque des petites phrases et du show, laisse les quartiers populaires, et une partie de la France fragilisée sans la médiation nécessaire, voire indispensable des militants occupant le terrain.

Le Grand Spectacle que constitue cette Présidentielle, la saga des sondages successifs, les effets de tribune, taisant soigneusement que les 10 années qui viennent vont être très dures, avec une croissance anémique, détruisant encore davantage les classes moyennes, appauvrissant encore les plus défavorisés, ne va pas améliorer la participation citoyenne des élections futures.  Et ce sans parler des défis environnementaux et écologiques que nous allons tous payer très, très cher.
  •  "Concrètement au plan local, à quoi cela sert de voter écolo à la présidentielle ?", blog de C. Rossignol. ****
  • "Un quart des jeunes âgés de 5 à 19 ans ne part pas en vacances", Le Monde.
  • "Réinverser les raretés : pour une double révolution fiscale", Le Monde. *****
  • "Le pacte fiscal ne sauvera pas l'euro, il le détruira", Le Monde.
  • "Une majorité de Français souhaiterait modifier sa façon de consommer", Le Monde.
  • "Birmanie: Aung San Suu Kyi salue "le début d'une nouvelle ère", NouvelObs.
  • Après la CGT, "Le président s'en prend à la CFDT qui a "trahi la confiance des salariés"", NouvelObs. Il est vrai que le seul syndicat qui est important pour lui, c'est le Medef. Voir aussi: "Sarkozy a trahi la France, il ne va pas nous donner de leçons", Libération.
  • "Dix ans de succès dans les paniers des AMAP", Le Monde.
  • "Royaume-Uni : Cameron et la surveillance en temps réel d’Internet", Ecrans. C'est toujours le terrorisme qui est invoqué par les droites pour commettre leurs saloperies. Voir aussi Le Monde.

13 commentaires:

  1. Il est certain que, en particulier pour un jeune peinant à entrer dans la vie active, et n'en connaissant souvent que le côté Pôle Emploi, souvent très isolé et inconnu des élus, la démarche consistant à aller voter ne va pas vraiment de soi. Combien de maires de villes déjà importantes, cumulant avec des places de conseillers généraux ou régionaux, voire députés ou sénateurs, vont aller eux-mêmes délibérément dans les quartiers les plus défavorisés pour écouter (important) les doléances, et tenter d'y remédier au mieux ? Et ce, hors périodes électorales, bien sûr. Le mal est là.

    Bien sûr, un facteur important est la délocalisation (mot pudique) d'activités, qui laissent sur le carreau des travailleurs, ou pire, des travailleuses, coincées dans de petits centres loin de tout. Remédier à cela demande une politique nationale intraitable là-dessus, capable d'interdire de telles pratiques en gardant l'emploi.

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  2. Il faut ...il faut ...Y a ka...!

    COMMENT "GARDER L'EMPLOI" ?
    L'économie est mondialisée : pas moyen d'empêcher un entrepreneur d'entreprendre ailleurs si les coûts de production sont moindres ! Il ne peut pas y avoir de "politique nationale intraitable". C'est une vue de l'esprit !

    Redevenir un pays compétitif, c'est bien plus compliqué que ce cabotin de Mélanche le dit...

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  3. "redevenir un pays compétitif...." c'est très certainement un non-sens, si entrent en jeu des concurrences avec des pays aux systèmes très différents. La nouvelle donne passe justement par un modèle moins ouvert "à la mode Union Européenne", qui stupidement ne se garde pas de marchés aberrants par définition. Même les USA savent se protéger. Pourquoi Bruxelles le refuse-t-il ? En tout cas, s'il continue à le refuser, le moyen est de se garder de Bruxelles, justement. Il suffit de faire payer à la frontière ou au point de déchargement à une marchandise une taxe correspondant à la différence entre le prix que cela coûterait produit en France, et le prix de la denrée proposée. Mais il faut pour cela sortir de l'Union ? Sortons de l'Union, c'est ce que j'ai toujours préconisé de toute façon.

    Les taxes engrangées paieront, entre autres, le salaire des douaniers. Et la concurrence ne sera plus faussée par des conditions de production inhumaines et aux normes plus qu'approximatives.

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  4. Vieille recette qui ne marche plus, la non-concurrence. Le progrès, depuis la préhistoire, vient de l'échange le plus noble : le commerce entre groupes humains qui enrichit chacun des partenaires.

    Refuser l'échange, fermer les frontières, bâtir la forteresse c'est un retour arrière.

    Réformer les conditions de la concurrence, là c'est possible : mais en créant une europe fédérale et politiquement puissante.

    Pas en restant le cul entre Strasbourg et Bruxelles, avec une organisation boiteuse. Pas en faisant croire au mythe du Destin Français : encore plus d'Europe est nécessaire mais les nations qui la composent sont encore trop nationalistes ...

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  5. Ce bab, un vrai dinausore....heureusement que ce qu'il prone n'a aucune chance d'être mis en pratique, les pauvres seraient encore plus pauvres....

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  6. Le tout ou rien n'a jamais été un dilemne intelligent.

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    1. Dilemme, pas dilemne.

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    2. Un grand merci au fantôme de Maître Capello pour cette rectification.

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  7. « ABSTENTION 1ER TOUR » 03 AVRIL
    @Jef
    Le passage sic : « Qui rejoint ce que je pense depuis longtemps, à savoir que la professionnalisation des politiques,(…) des militants occupant le terrain »
    Puis : « Le Grand Spectacle que constitue cette Présidentielle,(…) , ne va pas améliorer la participation citoyenne des élections futures. »
    OUI 100% d’accord
    C’est la version française de la « politique » made USA. Tous les ingrédients sont là pour favoriser l’abstention.
    Un PS qui se transforme en Parti Démocrate. L’UMP ou la droite qui ressemble de plus en plus au « Parti Républicain » avec en son sein des tendances extrême droite (future passerelle avec fn si recomposition ?)
    Reste à modifier cela en profondeur … pas facile lorsque le pli est pris
    Concernant la compétitivité des entreprises ; je vous renvoie à l’interview de L. Parisot (Medef)
    Pour connaitre les orientations du Medef qui « cornaque » le président (c’est elle qui le dit pas en ces termes)
    Le prochain dossier (quel que soit le candidat élu) c’est la réforme de la branche maladie de la secu
    Déficit totalement abyssal
    La réforme des retraites à côté du : « pipi de matou »
    Si le factotum est élu, il passera outre les « corps intermédiaires » et s’adressera au peuple via référendum
    Dossier explosif !

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  8. Tout à fait d'accord Bruno. Je comptais justement en parler après-demain...

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  9. @Jef
    complément à propos de la professionnalisation des partis et plus particulièrement du PS puisque il partage l'essentiel des pouvoirs nationaux avec UMP.
    Gramsci écrivait à propos du mouvement ouvrier : « Il faut veiller attentivement à ce qu’il y ait homogénéité entre dirigeants et dirigés car chaque classe sociale secrète ses propres attitudes et sa propre idéologie. ».
    L’absence d’homologie sociale entre les électeurs ou sympathisants du parti et leurs propres membres contribue à entretenir des incompréhensions et provoquer des réactions de rejet d’où l’abstention tout à azimut.
    IL faut , peut être, a cet égard chercher ici, la raison du succès du FdG via les discours de JLM
    La chute du nombre d’ouvriers dans les rangs du PS est très marquée : ils représentent probablement moins de 5% des adhérents aujourd’hui. Ils étaient environ 10% en 1985.
    Les adhérents socialistes ont un haut niveau de formation. Alors que, 30 % environ de la population française a un niveau d’étude égal ou inférieur au bac, ils sont 66% dans les rangs socialistes.
    L’essentiel des « cadres dirigeants» PS appartiennent aux classes supérieures. Même inconsciemment, ils ont ainsi une certaine vision du monde, partagent un « habitus similaire » et souvent malgré eux une représentation commune des classes populaires. L’augmentation du nombre d’énarques et de hauts fonctionnaires au sein des instances nationales contribue aussi à une forte technicisation du discours qui le rend peu lisible.
    Comme vous le mentionnez le PS est un parti d’élus.
    En 1998, plus d’un tiers des adhérents socialistes avait détenu ou détenait un mandat : professionnel Vs vie militante. Les principaux élus municipaux sont, pour beaucoup d’entre eux, en place depuis les années 80 !

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  10. JC ( amusé par le jeu trompeur)3 avril 2012 à 13:28

    SYNTHESE
    Il faut ne pas être dupe. Objectif : se foutre d'élections qui sont sans intérêt, sans importance, sans valeur.

    On se moque de vous depuis si longtemps ...Votez blanc ! Votez n'importe qui !... cela ne changera rien !

    Bonne journée !

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  11. Même si je partage en grande partie votre sentiment, le risque est trop grand de laisser Sarkozy en place en n'allant pas voter ou en votant blanc.

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