lundi 3 septembre 2012

Morale laïque

J'ai fait part, sur ce blog et l'ex, à de nombreuses reprises, de mes réticences à la proposition de bofs de rétablir l'enseignement de la morale à l'école. C'est la raison pour laquelle la proposition de V. Peillon ne m'enthousiasme, à priori, pas.

Certes, ses propos sont plus nuancés que le terme (NouvelObs): "cela comporte une construction du citoyen avec certes une connaissance des règles de la société, de droit, du fonctionnement de la démocratie, mais aussi toutes les questions que l'on se pose sur le sens de l'existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne"... Mais si j'adhère totalement à la première partie de la phrase, je ne peux m'empêcher de penser qu'une vie heureuse et bonne pour les uns n'aura pas forcément grand chose à voir avec celle des autres et je doute de l'enseignement de ces choses: ce n'est pas en disant ou en faisant apprendre et réciter qu'on inculque ces choses là, mais en faisant faire, et c'est donc toute la structure scolaire qui serait à faire évoluer.

V. Peillon fixe 3 objectifs à cette nouvelle discipline: "qu'il y ait une cohérence depuis le primaire jusqu'à la terminale, que cet enseignement soit évalué, qu'il trouve un véritable espace". Là encore, de la même manière que j'ai connu les "leçons de morale" en classe,  j'ai subi l'évaluation de cet "espace": cela s'appelait "la conduite", qui était évaluée, donnait lieu à des notes, et dont les effets n'ont jamais semblé d'une efficacité éclatante.

Comme le dit J. Baubérot (Libération), "on ne peut pas enseigner la morale comme on enseigne une règle de grammaire". C'est à travers des activités de groupe, des jeux, des activités sportives, du travail en petit groupe, des projets, des clubs, des sorties, ... qu'il est possible de faire évoluer des comportements et des visions du monde, à charge de l'école de les organiser et de les centrer sur ces objectifs. C'est aussi par le comportement des enseignants. Et je suis donc très sceptique sur l'efficacité des leçons ou des cours de morale.

L'évolution des comportements des élèves suppose en outre, sinon un consensus, au moins un rapprochement et un dialogue entre les valeurs de l'école et celles de la famille (et, vers l'adolescence, celles de la classe d'âge de référence), et si des choses sont à penser à cette fin, cela ne passe pas forcément par de "la morale".

Ceci dit, attendons, avant de condamner, les propositions de la Commission qu'il va mettre en place à la rentrée.

6 commentaires:

  1. "sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne".

    Pour moi aussi, ce genre de concept peut difficilement "s'enseigner", vu qu'il n'y a aucune solution miracle. En faire des thèmes de cours de philo, avec forces réflexions, entre jeunes adultes ou presque pilotés par un prof, tout-à-fait d'accord. Chez les plus jeunes, seul l'exemple fera la différence.

    Et il est bon de le souligner, la vie à la maison peut différer largement de celle à l'école, pour ce qui est des rapports entre personnes. Ce n'est pas cela qui facilitera la prise de repères.

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  2. Tout ceci n'est que fumisterie !

    Bien planqués derrière des "sujets de société" comme la morale enseignée à l'école, le ministre fait comme on faisait au temps lointain du sarkozysme :
    "Pendant qu'on cause de couillonnades, on ne parle pas des vrais sujets difficiles, emplois, dette, pouvoir d'achat, identité nationale, refus de l'ordre républicain, sécurité" !

    Des enfants qui parlent mal, qui comprennent mal, le français, qui n'ont jamais vu leur parents travailler, qui vivent là où l'égalité homme-femme n'existe pas, qui voient que leur seul avenir c'est le trafic, dont la vie sera rythmée par la religion du quartier, toute la religion, rien que la religion... vous allez leur enseigner la "Morale Laïque" !!! Eh ! réveillez-vous...

    On nous prend vraiment pour des cons...!

    Il n' y a pas de morale partagée entre des communautés raciales, religieuses, économiques et culturelles qui divergent de plus en plus ! Cette idée était excellente en 70, lorsqu'il arrivait les futurs français de la diversité et que l'intégration aurait pu être mise réellement en pratique, mais l'arrogance de 68 était passée par là : on ne fit rien...!

    En résumé, ce qui n'a pas été fait à l'époque ne peut réussir aujourd'hui ! Tirez l'échelle !

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    1. C'est pourtant là tout le défi auquel est confrontée la laïcité.

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    2. .... et ce n'est surtout pas le moment de baisser les bras.

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  3. J'arrive de chez Olivier; cet article est excellent; je vais faire l'autruche (ce n'est pas bien du tout) mais j'aurais tant de choses à dire sur le sujet; ayant été confrontée en début de carrière à faire des leçons de Morale lors de ma 1ère année d'enseignement, alors que j'étais censée enseigner : Les Sciences (vive la pluridisciplinarité, aujourd'hui ça peut paraître fou ).
    C'était beau sur le tableau noir, à la craie dés le matin de découvrir la PHRASE du jour :) mais aujourd'hui plus de tableau noir, plus de craie ...alors n'est-ce pas un peu désuet de vouloir revenir en arrière ? ?

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    1. En fait, c'est une tarte à la crème, chaque fois qu'on veut faire semblant d'améliorer les fonctionnements et résultats de l'école, depuis une trentaine d'années, on ressort les leçons de morale.
      Ça fait parler, ça plaît aux réacs. Cela ressort du "magique".

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